Un magasin bio pas que pour les bobos?

O’potager de Menil est une épicerie bio qui a ouvert ses portes en avril dernier rue des Panoyaux, dans le quartier de Ménilmontant à Paris. L’objectif ?  Faire de cet espace un laboratoire de l’économie sociale et solidaire, mixant réinsertion professionnelle et alimentation saine pour tous.

Sur la baie vitrée qui habille l’intégralité de la façade il est inscrit « fruits et légumes bio », « producteurs locaux ». À première vue, certains pourraient croire à une boutique proposant des produits dispendieux, énième expression du processus de gentrification de ce quartier historiquement populaire. Pied de nez à ces jugements hâtifs, c’est précisément pour créer de l’emploi à destination de publics précaires et pour rendre la nourriture bio accessible à tous que O’ Potager de Ménil a été créé.

L’épicerie s’approvisionne uniquement chez des producteurs locaux, dans un périmètre de 150km adopté conventionnellement par les distributeurs en circuit court. Particularité, une partie des légumes provient des structures d’agriculture urbaine parisiennes, grâce à un partenariat avec Espace (association d’insertion professionnelle par l’écologie urbaine qui exploite notamment le toit « CultiCime » du centre commercial Fashion Center à Aubervilliers) ou Pépins Production, présent aux Grands Voisins (Paris, 14e). « C’est extrêmement difficile de ne s’approvisionner qu’en local. Nous ne proposons pas de mangue ou d’avocat et si l’on veut rester dans des prix abordables il faut être en lien direct avec les agriculteurs. » explique Julie Bongiovanni, gérante du magasin. La boutique doit faire face à la pénurie de maraîchers en Île-de-France où les terres agricoles bio sont aussi peu nombreuses que la demande est forte. L’épicerie peine à trouver des fournisseurs et doit composer avec une marge très faible. « Nous nous développons petit à petit. Nous espérons accueillir bientôt un espace de crèmerie, mais tout cela demande du temps, nous n’avons pas les ressources ni les volumes d’achat d’une grosse chaine bio » explique Julie.

Interface formation, à l’origine du projet, est un organisme de formation aux métiers de la vente et de l’aménagement paysager, également à l’initiative de plusieurs chantiers d’insertion (un Atelier et Chantier d’Insertion est une structure d’insertion par l’activité économique). O’Potager de Ménil est né d’une volonté de créer une structure d’emploi pour les élèves formés, toute en créant des débouchés pour les productions locales de fruits et légumes des filières d’insertion. Le local appartient à la SIEMP, bras armé de la mairie de Paris qui a réhabilité entièrement cet immeuble anciennement insalubre.

En tant que chantier d’insertion la structure emploie deux encadrants salariés, le reste du personnel est en réinsertion. Leur embauche est intégralement subventionnée et s’inscrit dans le cadre d’une formation diplômante de CAP vente. Cette volonté de développer une structure de solidarité se retrouve également dans le concept de commercialisation. A moyen terme, la boutique a pour objectif d’adapter le prix des biens aux ressources de chacun. Ainsi, les familles à faibles revenus bénéficieront de réductions pouvant aller de 8% à 28% (le taux de réduction est indexé sur le montant des allocation familiales).

Qu’il soit producteur, employé ou client, la structure est guidée par la volonté de placer l’humain au cœur de son développement. La santé est une problématique montante dans les réflexions autour de la ville durable. L’accès à une alimentation saine est un des principaux défis à relever : pour cela, l’invention de nouveaux modes de distribution, capables d’élargir le public des « consomm’acteurs » s’avère impératif. Reste à voir si les habitants populaires du quartier se sentiront suffisamment à l’aise pour pousser la porte du Potager de Ménil… et pas uniquement les habitués du bio !

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